Des protozooses dangereuses pour vos reptiles:Cryptosporidiose et Coccidioses,par H. Saint Dizier et L. Lieury.Les
coccidioses et la
cryptosporidiose sont des parasitoses du tube digestif,et en particulier de l'intestin grêle et de l'estomac,
affectant les reptiles,principalement les sauriens,ophidiens et tortues issus d'importation.
Ces parasitoses internes sont causées par une famille de protozoaires,les coccidies.Il s'agit d'organismes unicellulaires de petite taille (
Cryptosporidium parvum ,4-5 µm,
Isospora sp., < 10µm).Ce sont des micro-organismes très résistants:en l'absence d'hôte à parasiter,ils s'enkystent et peuvent survivre des mois en "léthargie".Ces kystes résistent à l'eau de Javel ,aux bactéricides et aux désinfectants classiques.Ils peuvent survivre également à la sécheresse,au froid ou aux grosses chaleurs.
Ils se transmettent par les excréments d'animaux contaminés (fréquent lors d'importation lorsque de nombreux reptiles sont entassés dans des caisses),l'eau de boisson ou pulvérisée,une proie contaminée ,des mains qui ont touché les excréments d'un malade ou un malade,les spores se diffusent également très bien par l'air,vu leur petite taille et leur masse infinitésimale.
L'incubation dure en moyenne 5 à 20 jours.
Symptômes:Les symptômes de la coccidiose et de la cryptosporidiose sont très semblables :régurgitations de proies (qui sont une fois régurgitées très pathogènes,contenant de grandes quantités de spores) et diarrhées ,souvent accompagnées de sang dans les selles.Une cryptosporidiose ou une coccidiose mal diagnostiqués peuvent passer pour une amibiase à
Entamoeba invadens ,l'amibe des reptiles.Une fois déclarée ,l'évolution de la maladie est rapide ,occasionnant également une perte de poids.Un signe qui doit inquiéter est la présence de sang dans les selles et/ou de morceaux de proies non digérés.Les selles sont en général assez molles mais pas forcément liquides,et malodorantes.
-Les coccidioses:A prendre au sérieux ,ce sont des parasitoses contagieuses.Les spores semblent moins résistantes que celles de la cryptosporidiose ,un lavage des mains avant et après manipulation d'animaux contaminés ,de leurs proies et de leur environnement est impératif.Un animal en bonne santé ne montrera pas tout de suite les premiers symptômes.En cas de doute,étaler un peu d'excrément sur un papier blanc:on verra alors apparaître une coloration rouge foncé,signe de la présence de sang.Les coccidies détruisent petit à petit la muqueuse intestinale,et,si elles sont présentes en trop grand nombre,finissent par causer des perforations et des hémorragies mortelles.L'animal ne cesse pas tout de suite de s'alimenter (obs. pers. sur des
Uroplatus sikorae ),peut même montrer un appétit tout à fait normal.Puis,l'appétit est affecté ,l'animal maîgrit rapidement et se déshydrate à cause des diarrhées.Contrairement à une amibiase,la coccidiose ne s'accompagne pas de pus dans les selles (masses blanchâtres).Si la maladie est traitée,elle n'est pas nécessairement mortelle :j'ai (H. Saint Dizier) ainsi pu stabiliser durablement un trio parasité de U. sikorae,leur faire mener une vie tout à fait normale et même les reproduire.
Cependant,il faut prendre garde à suivre des règles d'hygiène irréprochables pour ne pas la transmettre à ses autres animaux :ne pas donner une proie à d'autres qui aurait séjourné dans le terrarium des malades,mettre les malades en quarantaine,de préférence dans une autre pièce que celle où se trouvent ses autres animaux ,désinfecter après chaque contact avec des matières contaminantes (eau,proies régurgitées,déjections).Un terrarium simple à nettoyer et garni de sopalin ou de papier journal changés quotidiennement fera office de lieu de quarantaine.
Ici ,photo d'une coccidie répandue chez les reptiles ,Isospora sp.:

Les coccidioses des reptiles n'affectent ni l'être humain,ni d'autres mammifères :les coccidies du chien ou du chat sont spécifiques à ces animaux.De même,il existe des
barrières d'espèces faisant que les coccidies affectant une espèce ou un groupe d'espèces ne vont pas en affecter d'autres .Dans le doute ,mieux vaut cependant partir du principe que tout reptile ou amphibien malade peut en contaminer un autre.
-La cryptosporidiose:Voici
Cryptosporidium parvum,l'agent de cette maladie (x800):
Ce protozoaire,lui,ignore les barrières d'espèces:il affecte indifféremment humains,reptiles,poissons,oiseaux,autres mammifères,causant par exemple des ravages chez les oiseaux et les jeunes veaux.-Chez l'homme ,il donne vomissements,diarrhées,fièvre modérée,maux de tête,sensation de soif pendant une dizaine de jours,et est très invalidant mais non dangereux.Les cas les plus sérieux peuvent nécessiter une hospitalisation.Le traitement est symptômatique et anti-protozoique,essentiellement basé sur des sulfamides et des médicaments anti-nausées,anti-diarrhéiques,et une réhydratation importante (il est essentiel de boire beaucoup d'eau,de thé,mais pas de jus de fruits pendant la maladie,et d'éviter les produits laitiers et les crudités).Les enfants en bas âge,les personnes très âgées,les personnes immuno-déprimées (malades du SIDA,patients ayant subi une greffe et prenant des médications anti-rejets immunosuppressives),sont elles des cas plus sérieux,pouvant présenter des complications avec un risque vital non négligeable.Chez un sujet en bonne santé,la cryptosporidiose peut passer pour une gastro-entérite virulente et plus longue que la moyenne.Une fatigue intense et persistante peut durer plusieurs semaines après l'infection.
-Chez les reptiles et amphibiens,
C. parvum évolue rapidement et provoque presque toujours la mort du sujet infecté dans les quelques jours qui suivent les premiers symptômes.C'est un vrai fléau,capable de décimer tout un élevage.Quelques individus sont naturellement immunisés et ne développeront pas la maladie (cas probable du Phelsuma laticauda femelle de L. Lieury,pourtant en contact direct avec le mâle qui en est mort).
Certains reptiles peuvent être porteurs sains de ce germe (en particulier,geckonidés,tortues et colubridés de Madagascar,d'Asie centrale et d'Asie du Sud-Est ) (Source:Pr. H. Hjelling,Université d'Aarhus,Danemark).
C. parvum agit alors en commensal,c'est-à-dire en membre normal de la flore digestive de l'animal,et ne se développe pour devenir pathogène que sous l'effet d'un stress important,d'une autre pathologie,de conditions de maintenance inadaptées,ect.
La mort est presque toujours inévitable dès l'apparition des symptômes,et l'agonie foudroyante.L'évolution est beaucoup plus rapide qu'une coccidiose.L.Lieury a ainsi perdu 8 sauriens et ophidiens en 2 semaines,sur 12 reptiles,et les 4 survivants ne doivent d'être encore là que par des mesures drastiques et énergiques.Un couple de varanidés initialement porteur a disséminé ,sans doute par l'air,les spores,et sans doute atteint tous les terrariums,et tué également des mammifères vivant à proximité (cochons d'inde).Les 4 personnes vivant dans la maison,dont une jeune enfant de 3 ans et demi,ont tous contacté la maladie.
Cette pathologie,chez certains geckonidés,(
Eublepharis macularius) s'accompagne d'une tache noirâtre s'étendant sur l'abdomen,à différencier cependant du foie que l'on voit normalement par transparence.
Important :il suffit de 30 ookystes de C. parvum pour provoquer la maladie chez un sujet sain .Plus le sujet malade aura reçu un nombre initial important de spores,plus la maladie sera dès lors dangereuse,foudroyante et rapide en évolution,et plus la contagion se fera rapidement.Le cas des varans de L. Lieury,ramenés de Hamm et probablement issus de l'élevage d'une personne peu scrupuleuse ayant une mauvaise hygiène de sa salle d'élevage et recevant un flux d'animaux d'origine plus que douteuse,est un exemple fort et extrême de la maladie, avec plus de 200 spores/mm3 trouvées dans les selles des varans qui sont les vecteurs d'origine de l'épidémie dont elle a été victime.
Prophylaxie:-Se méfier des sujets présentés comme NC lors de toute acquisition,si l'origine est douteuse ou suspecte,mieux vaut renoncer à l'achat.
-Systématiquement pratiquer une quarantaine de tout nouvel arrivant,quel que soit son origine (NC,importé,farming...) de préférence dans une autre pièce que celle où sont gardés les autres reptiles de la maison ,loin des proies d'élevage (insectes vivants,rats,souris) et des autres animaux domestiques.
-Ne pas laisser les enfants manipuler un animal en quarantaine.
-Le terrarium contiendra le strict nécessaire,avec sopalin ou papier journal en guise de substrat ,mais respectera les paramètres de température et d'hygrométrie nécessaires à l'espèce.
-Ne pas mélanger l'eau de boisson d'animaux en quarantaine avec ceux déjà établis,ne pas donner une proie refusée par un animal en quarantaine dans un autre terrarium.
-Systématiquement faire pratiquer dès l'arrivée une analyse de selles avec recherche parasitologique pour tout nouvel arrivant (en laboratoire vétérinaire uniquement,en France il y en a au moins un par département,coût de l'analyse: 12 à 20€ selon les endroits).
-Lavage systématique des mains,ne pas manger ,boire ou fumer pendant qu'on s'occupe d'un animal malade ou en quarantaine,également valable avec les autres.
Que faire en cas de contamination avérée par des coccidies ou des cryptospores?-Une particularité de ces protozoaires est d'être à 4 sporozoites et de pouvoir s'enkyster,y compris dans le tube digestif de l'hôte.Une fois enkystés,ces parasites,comme dit plus haut,résistent à quasiment tout.D'autre part,
aucun traitement n'élimine la totalité des spores dans le tube digestif de l'hôte infesté .Donc,même traitée,la maladie revient par périodes.Sur mes
Uroplatus sikorae ,les symptômes faisaient leur réapparition tous les 3-4 mois,et je devais donc traiter à nouveau.(H. Saint Dizier).
Après chaque épisode,une nouvelle analyse de selles est pratiquée pour voir,sur avis vétérinaire,si le traitement doit être poursuivi,au cas où il resterait un trop grand nombre d'ookystes coccidiens.-Le Flagyl® seul (métronidazole) n'est que peu efficace ,ou pas du tout,contre une coccidiose ou une cryptosporidiose (obs.pers.+ conseils de mon vétérinaire).Il peut éventuellement ,sur avis vétérinaire,être utilisé en conjonction avec le traitement principal.Il aidera entre autres à maintenir l'appétit du malade à un niveau suffisant,pour éviter que l'animal ne s'"enfonce".
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Une bonne réhydratation est impérative pour la survie de l'animal malade,qui perd beaucoup d'eau via les selles et les régurgitations.L. Lieury a utilisé un
soluté mixte composé pour un litre d'eau,d'une cuiller à café de sel et de deux cuillers à soupe de sucre en poudre bien dilué,additionné de minéraux (Calcium Reptiles Virbac®) et de vitamines,pour ces dernières elles ne sont utiles que si l'animal s'alimente (Vitamines Virbac® Reptiles à petites doses ).Un soluté du type Fortol ® peut en outre être utilisé chez le carnivore ou l'insectivore qui a cessé de s'alimenter.Le soluté est donné à la seringue,et de l'eau de boisson normale est laissée à disposition de l'animal,sous la forme qui convient le mieux à l'espèce (soucoupe d'eau,eau pulvérisée sur les parois et le décor du terrarium,goutte-à-gouttes des caméléons...).
-Le traitement de fond consiste en dérivés des sulfamides.Pour les gros animaux,tels des varans ou boidés de plusieurs kilos,on pourra utiliser du Bactrim® en sirop enfants(Sulfaméthoxazole, Triméthoprime).La posologie du Bactrim® pour les reptiles est de 4ml/kg du reptile le premier jour,puis 1,5 ml/kg ensuite,pendant 7 jours.Le meilleur produit reste cependant l' Ocecoxil® (sulfadiméthoxine et pyriméthamine )à 60 mg/kg de poids vif ,un jour sur 2 pendant 3 à 5 semaines,utilisé couramment pour les coccidioses et cryptosporidioses des oiseaux et des petits mammifères (rongeurs,lapins...).
Attention aux surdoses :ces médicaments à base de sulfamides sont extrêmement toxiques pour les reins des reptiles et risqueraient d'être la cause de blocages rénaux critiques.
-Les animaux en apparence sains mais exposés à la contamination peuvent recevoir une dose plus faible d'Ocecoxil® à 40mg/kg de poids vif,selon le même protocole.Ceci m'a évité (L. Lieury) très certainement la perte d'un couple d
'Heterodon nasicus et d'un
Python regius ,alors que mes autres animaux étaient infectés.
-Mieux vaut faire euthanasier un animal sévèrement atteint,il a très peu de chances de survie et risque de contaminer d'autres reptiles.